Deux
interviews sur la royauté
Message d’annelysdefrance,
10 mai 2004.
J'ai transcrit (en raison de la disposition
dans la page, un scan était impossible) les deux
interviews sur la royauté parus dans "la Provence" d'hier dimanche.
LA PROVENCE, 9 mai 2004, p. 20 " Regards "
En haut
de la page, des photos d'actualité, en colonne de droite, comptes rendus de
lecture de "Je vous parle d'Europe", d'Élisabeth Guigou; au Seuil, et
de "Juan Carlos et Sophie, portrait d'une famille royale", chez
Payot,
Un huitième de page consacrée aux futurs mariages princiers du prince Frederick de Danemark avec l'australienne Mary Donaldson, et du prince Felipe avec la journaliste Letizia Ortiz Rocasolano.
QUELLE PLACE POUR LA ROYAUTÉ DANS LA
NOUVELLE EUROPE ?
[A
droite du titre, une photo de la reine Elizabeth et de Bernadette Chirac.]
Il y a
un peu plus d'une semaine, l'Europe ouvrait ses portes à dix nouveaux pays. Un
symbole fort acclamé par une jeunesse avide de démocratie, de prospérité et
d'égalité sociale.
La réunification de l'Europe ramène au bercail des pays autrefois régentés par
les Habsbourg avant de plier sous le joug communiste. De quelle manière cette
nouvelle Europe, qui retrouve ses anciennes frontières, imagine-t-elle vivre
avec ses vieilles monarchies ? Que signifie, ici et maintenant, la royauté dans
une Union à vingt-cinq ? Les instants de forte émotion vécus par les Espagnols
et le couple royal au lendemain des attentats de Madrid prouvent que nos
démocraties médiatisées ont encore besoin de symboles. Difficile d'oublier les
gestes des Madrilènes prosternées devant la reine Sophie alors que les urnes
venait (sic) de porter Zapatero au pouvoir.
Tout aussi symbolique la manière dont Elizabeth II, fastueusement accueillie en
France, avait à coeur de rapprocher Londres et Paris, fâchés par la désastreuse
guerre en Irak.
Face à la gouvernance européenne où se juxtaposent et s'opposent eurodéputés,
commission de Bruxelles et États-nations, ces
vieilles familles régnantes ont-elles encore une marge de manoeuvre ?
Henri d'Orléans, comte de Paris, chef de la Maison royale de France et Pierre
Miquel, historien, répondent à ces questions.
Christine LETELLIER.
" Aux européennes, je voulais
représenter la France ", une interview du comte de Paris par Dominique
ARNOULT.
LA PROVENCE : la monarchie est un mode de gouvernement fréquent en Europe.
Mais, à quelques exceptions près, le pouvoir politique des souverains est très
limité. Quel rôle jouent-ils véritablement ?
LE COMTE DE PARIS : " La monarchie n'est pas un système de gouvernement.
Les souverains incarnent essentiellement la souveraineté du pays et l'identité
des peuples qui se reconnaissent à travers leur roi, notamment lorsque des
événements graves se produisent. On a vu, au moment
des attentats de Madrid, de quelle manière les Espagnols se sont tournés vers
leur souverain. Toute la famille royale était présente, silencieuse,
s'abstenant de tout commentaire politique, mais présente. Cette incarnation du
pouvoir à travers le roi reste très profondément ancrée, même chez les Français.
Il y a toujours une certaine nostalgie pour la famille royale de France. La
royauté attire. Pourquoi tant de faste et de reconnaissance lorsque la reine
d'Angleterre est venue en France ? "
LA PROVENCE : Vous vous êtes toujours intéressé à la
vie politique. Que pensez-vous des soubresauts actuels ?
LE COMTE DE PARIS : " Je crois que les Français sont un peu désespérés de
ce que l'homme politique vit dans un monde à part et n'a aucun contact avec
eux, aucun regard. Ce n'est pas le système qui est rejeté, c'est l'homme
politique à qui les Français disent : nous sommes là, écoutez-nous ".
LA PROVENCE : Face à ce discrédit dont souffre la classe politique,
défendez-vous le retour en France de la monarchie ?
LE COMTE DE PARIS : " Il y a quelques jours, j'ai participé à une émission
de radio où justement le thème était le retour de la royauté en France. A la
fin de l'émission, il y a eu un sondage. 75% des auditeurs se sont prononcés
pour son rétablissement. "
LA PROVENCE : Comment le justifiaient-ils ?
LE COMTE DE PARIS : " Ils expliquaient qu'ils cherchaient justement un
autre regard, une écoute. Je pense que les politiques restent dans certaines
sphères et négligent l'humain. Les maires ont cette approche. Mais dès qu'ils
évoluent dans des instances supérieures, ils perdent cette capacité d'écoute.
"
LA PROVENCE : Vous aviez annoncé votre intention de conduire une liste aux
élections européennes. Vous y avez renoncé pour quelle raison ?
LE COMTE DE PARIS : " J'ai pris position après l'élection présidentielle.
C'est ce manque d'écoute qui m'a poussé à aller vers l'élection. Je ne pouvais
briguer qu'un mandat d'envergure nationale. D'où le choix de l'élection
européenne. Depuis, le mode électoral a changé. Je ne peux pas me présenter au
titre d'une seule région car je représente la France entière. C'est pourquoi
j'ai renoncé. "
LA PROVENCE : Ce n'est que partie remise ?
LE COMTE DE PARIS : " Pour l'instant je ne préjuge pas de l'avenir. Il
faut laisser les choses très ouvertes. Les événements nous surprennent très
souvent. "
N'est-ce-pas étonnant que le chef de la Maison royale
de France brigue un mandat électoral. Seriez-vous devenu républicain ?
LE COMTE DE PARIS : " Je ne considère pas que ce soit un acte républicain.
Il s'agissait de représenter la France dans l'Europe. "
LA PROVENCE : Quelle est votre conception de l'Europe ?
LE COMTE DE PARIS : " J'ai une conception très gaullienne. Je pense que
les patries, les nations, doivent garder une certaine souveraineté et qu'il
faut rappeler aussi nos racines chrétiennes dans la constitution. Il ne faut
pas renier notre histoire. A ce propos, il n'est pas bon que la Turquie entre à
part entière dans l'Europe. Elle devrait être, comme l'Algérie ou le Maroc, une
alliée préférentielle. Il faudra un jour élargir l'Europe vers le sud, non pas
en intégrant mais en s'alliant. "
LA PROVENCE : Vous défendez une conception de l'Europe plutôt souverainiste ;
Par ailleurs, vous critiques le capitalisme pur et dur. Votre père a soutenu la
candidature de François Mitterrand. Peut-on parler pour l'héritier de la
couronne de France d'une sensibilité parfois de gauche ?
LE COMTE DE PARIS : " Je crois que nous sommes pour une justice vis-à-vis
des hommes et cela passe sur le plan social par une certaine répartition des
bienfaits de la société. Mais avant de les répartir, il faut les créer. Il faut
donc commencer par remettre la France au travail avant de penser à redistribuer
les fruits de notre économie. "
LA PROVENCE : Vous arrive-t-il de rencontrer le Président de la République,
d'évoquer la politique française ?
LE COMTE DE PARIS : " Tout dépend duquel. J'ai travaillé avec le général
de Gaulle pendant deux-trois ans. Le président
Giscard d'Estaing me conviait de temps en temps, lorsqu'un roi était reçu à
l'Élysée. Ensuite, j'ai rencontré à trois ou quatre reprises le président Miterrand. "
LA PROVENCE : Vous n'avez aucun contact avec le président Chirac.
LE COMTE DE PARIS : " Des contacts épistolaires seulement. "
LA PROVENCE : Vous n'avez pas été convié lorsque la reine d'Angleterre est
venue...
LE COMTE DE PARIS : " Non, je ne le fus pas. Avec le président Chirac nous
avons encore le temps. Son mandat n'est pas terminé.
[Commentaire
en fin d'interview :] Henri d'Orléans, comte de Paris, est le chef de la Maison
royale de France.
[En encadré, une photo du comte de Paris]
" Un phénomène résiduel et folklorique ", une
interview de Pierre Miquel par Marjorie CHOURAKI.
LA PROVENCE : Comment expliquez-vous que l'Europe, vitrine de la démocratie,
soit un continent où l'on trouve encore de nombreuses monarchies ?
PIERRE MIQUEL : " Jusqu'en 1914, outre la France et le Portugal, tous les
pays se retrouvent sous la coupe des régimes monarchiques. Après la seconde
guerre mondiale, la situation va changer. L'alliance avec les nazis sera
déterminante quant à leur avenir. Les monarchies que je baptiserais de "
convenables " parce qu'elles n'ont pas collaboré avec Hitler vont rester
en place, notamment celles du nord-ouest de l'Europe à l'image du Danemark, de
la Norvège, de la Suède, de l'Angleterre et des Pays-Bas. Les monarchies
fascistes, c'est-à-dire où les rois étaient les porte-parole directs ou
indirects du fascisme comme en Espagne, au Portugal, en Italie ou dans les
Balkans, seront balayées. En Belgique, le cas est particulier : le roi des
Belges ayant été lié avec le régime allemand de l'époque, il a été demandé au
peuple de voter, celui-ci l'a conservé sur son trône uniquement pour préserver
l'avenir du pays. En revanche, en Italie, le vote populaire a obligé la
dynastie régnante à l'exil en 1946, car elle ne représentait plus rien. "
LA PROVENCE : La Bulgarie est-elle aussi un cas particulier puisque l'héritier
du trône, Siméon, vient d'être élu premier ministre. Est-ce que cela signifie
que la monarchie est soluble dans la démocratie ?
PIERRE MIQUEL : " C'est étonnant mais cela n'a rien d'un symbole. Le
régime parlementaire bulgare s'est avant tout donné comme chef de gouvernement
un personnage qui fait l'union. Un homme qui, d'ailleurs, s'emploie dans sa
nouvelle vie politique à faire oublier qu'il est roi. Il faut savoir que ce
régime est confronté à l'existence d'une multitude de petits partis qui rend la
constitution d'un gouvernement difficile. En nommant Siméon de Saxe-Cobourg
comme Premier ministre, la Bulgarie a avant tout cherché la stabilité. "
LA PROVENCE : Quelles valeurs représentent aujourd'hui ces monarchies ?
PIERRE MIQUEL : " Cela dépend du pays et de son histoire. En Belgique, la
famille royale est l'emblème de l'unité dans un pays où une partie de la
population, les Flamands, regarde vers le nord et une autre, les Wallons, vers
le sud. En Grande-Bretagne, le lien est mythique et économique. C'est un moyen
de conserver la suprématie sur les anciens pays du Commonwealth qui
représentent un marché de 500 millions de personnes. En Hollande, en revanche,
je crois sincèrement que la couronne ne représente plus grand
chose et pourrait facilement être abandonnée. Le roi vit modestement
.. il passe ses vacances dans un camping-car.
Il n'a rien d'une image forte. On peut dire qu'il s'agit là d'une royauté
sociale démocrate. "
LA PROVENCE : Le cas de l'Espagne peut-il être considéré comme exemplaire ,
PIERRE MIQUEL : " Après la dictature franquiste, la société espagnole
était hostile au roi. Celui-ci avait été couché sur le testament de Franco. Or,
en revenant sur le trône, il joue le jeu et appelle ses ennemis naturels pour
constituer un gouvernement démocratique. Voilà un bel exemple ! On ne peut nier
cependant que l'influence du Pentagone, fort des bases américaines en Espace, a
été très forte sur le comportement de la famille régnante espagnole.
Aujourd'hui, Juan Carlos est une valeur refuge, une valeur de transition pour
ses sujets. On a pu le constater lors des attentats de Madrid. Il joue son rôle
avec impartialité comme une sorte de président. "
LA PROVENCE : Ces formes de gouvernement ont-elles été un frein ou un atout
pour la construction européenne ?
PIERRE MIQUEL : " La construction européenne n'a jamais été liée un mode
de gouvernement. Présidents ou monarques, ce n'est pas cela l'obstacle. On peut
toutefois penser que les rois ont été des européens de nature. Certaines
dynasties, comme les Habsbourg ou tsars de Russie ont eu une vision européenne
de leur gouvernance... "
Comment expliquez-vous le fait que l'on retrouve à la tête des sociétés les
plus avancées d'Europe, des souverains ?
PIERRE MIQUEL : " Je crois que cela n'a pas vraiment de lien. Peut-on
raisonnablement croire que ces sociétés ont cherché à compenser le poids de la
tradition en fabriquant du progrès et de la modernité ? "
LA PROVENCE : Peut-on penser que la monarchie est vouée à disparaître ?
PIERRE MIQUEL : " Il existera toujours des carrosses, des châteaux, des
couronnements, des mariages fastueux... La monarchie est un phénomène résiduel
et anachronique dans la plupart des cas mais elle ne peut pas être un modèle,
un avenir pour le monde. Ce système ne compte pas au regard de l'histoire mais
ne fait pas de mal aux peuples. Peut-être qu'en Belgique, en Espagne ou en
Grande Bretagne, exemples que j'ai évoqué (sic) précédemment, la royauté a des
chances de durer. Dans les autres pays, elle n'est pas vraiment défendue par
l'opinion publique, souvent indifférente, et peut s'éteindre lentement. "
[Commentaire
en fin d'interview :] Pierre Miquel est historien en écrivain.
[en encadré, une photo de Pierre Miquel]
MON COMMENTAIRE PERSONNEL
Il me semble que M. Pierre Miquel parle de ce qu'il ne connaît absolument pas.
Ainsi il s'imagine que les monarchies espagnoles et portugaises ont été des
monarchies fascistes, ignorant que la monarchie espagnole est tombée en 1931,
un an avant la création de la Phalange (premier mouvement espagnol à être
relativement proche du fascisme) en Espagne, deux ans avant la prise de pouvoir
d'Hitler et que le Portugal était en République depuis 1910 et il attribue leur
chute à leurs prétendues accointances avec Hitler.
De même il attribue la chute des " monarchies des Balkans " à leur
collusion avec Hitler alors qu'en fait le roi Pierre II s'était réfugié en
Angleterre pour ne pas subir le joug allemand et s'il fut renversé par Tito en
1945 ce ne fut certainement pas en raison d'une quelconque attitude pro-fasciste ou pro-nazie, que le
roi Zog d'Albanie fut chassé par l'invasion italienne, que le roi de Grèce est
entré dans la guerre, non du côté de l'Axe mais de celui des Alliés, qu'il
avait, devant l'invasion italienne, quitté le pays en 1941, pour rentrer en
1946 à la suite d'un plébiscite en sa faveur et ne fut déposé que par la junte
des colonels, en 1967 !
Il attribue la chute de Léopold II, roi des Belges, en 1951, à de prétendues
liaisons avec le régime allemand qu'il avait cependant combattu les armes à la
main, avant d'être interné par les nazis à Laeken puis d'être déporté en
Allemagne en 1944. Certains l'ayant accusé cependant de collaboration avec
l'Allemagne, mais surtout, par son second mariage, d'infidélité à la mémoire de
la reine Astrid, qui avait été extrêmement populaire, il ne put
retourner en Belgique que lorsqu'un référendum, le 12 mars 1950, le rappela par
une majorité de près de 57%. Il se sentit cependant incapable de résister aux
mouvements de grèves insurrectionnelles qui suivirent et abdiqua en faveur de
son fils Baudouin.
Il s'imagine que les Pays-Bas ont un roi, alors que depuis trois générations
(et plus d'un siècle !) c'est une reine...
C'est ce que j'ai d'ailleurs écrit à " La Provence ".
M. Pierre Miquel manifeste encore son ignorance " crasse et supine ", en déclarant : " Ce système [la
monarchie] ne compte pas au regard de l'histoire. " Tous ceux qui savent
que toute l'histoire jusqu'en 1918 a été faite à quelques exceptions près, dans
la Grèce antique et à Rome, en Suisse, pendant quelque temps aux Pays-Bas, en France
pendant en tout soixante-quatre ans (1792-1804, 1848-1852 et 1870-1918) et aux
États-Unis depuis 1776, par des monarchies, cela prête à sourire.
Amitiés à tous
Anne